Révision constitutionnelle : apporter des garanties nouvelles aux collectivités de l’article 73 de la Constitution.
Révision constitutionnelle : apporter des garanties nouvelles aux collectivités de l’article
73 de la Constitution.
Le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace modifie, certes,
l’article 73 de la Constitution pour essayer – à notre avis, en proposant un
remède pire que le mal – d’assouplir le régime des habilitations de l’article
73 de la Constitution. Nous démontrerons dans un prochain article que cette
tentative malheureuse doit être contrée, et qu’il est possible de parvenir au
but poursuivi par d’autres voies. Cependant, d’autres modifications de
l’article 73 auraient mérité d’être envisagées : en particulier, il était
envisageable de conforter, parmi les collectivités de l’article 73, le statut
de celles qui, désormais dotées d’un statut particulier, soit sont issues de la
fusion d’un département et d’une région d’Outre-mer existant – c’est le cas de
la Guyane et de la Martinique – soit, comme Mayotte, sont d’anciennes
collectivités de l’article 74.
Ces collectivités – souvent qualifiées de
« collectivité unique » par référence au débat lancé dans les DOM
dans les années 80, lorsque le législateur adopta la solution saugrenue
consistant à créer deux collectivités concurrentes sur le même territoire –
connaissent en effet une situation spécifique, distincte de celles des
départements et des régions non fusionnés (comme c’est le cas en Guadeloupe et
à La Réunion). Malgré des spécificités
institutionnelles qui les rapprochent à bien des égards des collectivités de
l’article 74, elles continuent d’être régies, tant en ce qui concerne leurs institutions
et leur régime électoral que leurs compétences et leurs ressources, par la loi
ordinaire, alors que les collectivités régies par l’article 74 le sont par la
loi organique. Dépourvu de la stabilité conférée par la loi organique, leur
statut est donc sujet, en dépit de son caractère particulier, aux modifications
résultant de l’intervention erratique de la loi ordinaire, qu’il s’agisse des
textes relatifs aux collectivités territoriales, ou de textes plus sectoriels.
La loi organique devrait également déterminer la garantie des ressources de
chaque collectivité.
Par ailleurs, il importe que, puisque le statut des
collectivités concernées sera désormais fixé par la loi organique, il convient
que l’obligation de consulter leur assemblée délibérante sur les dispositions
législatives et réglementaires qui comportent des dispositions spécifiques à
leur territoire soit élevé au même niveau dans la hiérarchie des normes :
ainsi – ce qui n’est pas possible actuellement – une disposition législative comportant
de telles dispositions sera inconstitutionnelle si elle n’est pas soumise pour
avis à l’assemblée intéressée. On retrouve là une procédure très classique dans
le cas es collectivités régies par l’article 74, et on conçoit mal pourquoi les
collectivités à statut particulier de l’article 73 seraient privées d’une telle
garantie.
Par ailleurs, leurs spécificités sont sans doute
insuffisamment prises en compte s’agissant de l’autonomie normative, dont elles
sont dépourvues, sauf à solliciter la mise en œuvre des habilitations de
l’article 73. Or, sans pour autant méconnaitre le principe de spécialité
législative, auquel les populations sont très attachées – et sans doute à juste
titre – il pourrait être envisagé de desserrer quelque peu ces contraintes, en
ouvrant la voie à une autonomie normative qui n’affecterait pas directement les
droits des citoyens : ainsi pourrait-on concevoir que, dans un certain
nombre de matières comme l’environnement et les
ressources naturelles, l’énergie, l’agriculture, le droit domanial, ces
collectivités reçoivent directement de leur statut – désormais fixé par une loi
organique – un pouvoir normatif propre, qui demeurerait évidemment soumis au
contrôle de légalité, et au respect du bloc de constitutionnalité et des
engagements internationaux de la France – droit de l’Union européenne inclus.
Ce pouvoir normatif local, qui permettrait à la collectivité d’intervenir dans
le domaine de la loi ou du règlement, n’empêcherait pas le législateur
national, s’il le juge utile, de modifier, le cas échéant, la réglementation
ainsi édictée, qui conserverait valeur simplement réglementaire – ce que le principe de l’habilitation, même
permanente, autorise – mais, du moins devrait-il n’y procéder qu’en toute
connaissance de cause, et de manière expresse et explicite. On peut penser
qu’il ne le fera que pour des motifs légitimes, et de manière exceptionnelle.
Le Gouvernement pourrait en outre, sur avis conforme de
l’assemblée délibérante, procéder par voie d’ordonnances à certaines
adaptations : en s’inspirant du modèle de l’article 74-1 pour les
collectivités régies par l’article 74, on simplifierait ainsi la procédure
normative relevant de la compétence des autorités nationales.
Les propositions qui précèdent pourraient trouver leur place
dans un article 73-1 nouveau de la Constitution qui s’ajouterait, pour les
« collectivités uniques » aux dispositions de l’article 73, lesquelles
continueraient évidemment de s’y appliquer – et ce serait d’ailleurs
expressément prévu.
Ce nouvel article 73-1 pourrait être rédigé comme
suit :
« Art. 73-1. - Des lois organiques déterminent pour
les collectivités à statut particulier qui, demeurant régies par les
dispositions l’article 73, soit se sont substituées à un département et une
région d'outre-mer en application de son
dernier alinéa, soit, étaient précédemment régies par l’article
74 :
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des
institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée
délibérante ;
« - les compétences de la collectivité, autres que
celles dévolues en métropole aux départements et aux régions ; la garantie de
ses ressources ;
« - les conditions dans lesquelles ses institutions
sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance
ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité ;
« - les conditions dans lesquelles l’assemblée
délibérante peut adopter des dispositions, relevant du domaine de la loi ou du
décret, dans les matières suivantes : agriculture et pêche ;
nature et environnement ;
mer ; énergie ; transports ; tourisme ; domaine
public ; aménagement et urbanisme.
« - les conditions dans lesquelles le
Gouvernement peut, par ordonnances délibérées en conseil des ministres après
avis du Conseil d’État et avis conforme de l’assemblée délibérante de la
collectivité, adapter les lois et règlements aux contraintes et
caractéristiques particulières de son territoire.
« Les lois modifiant les compétences des départements
et des régions de métropole ne sont applicables aux collectivités régies par le
présent article que sur mention expresse, après consultation de leur assemblée
délibérante. »
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