Le Président de la République peut-il remplacer
le président du Conseil constitutionnel en fonctions ?
Aux termes du 3ème alinéa de l’article 56 de la Constitution : « Le président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage ».
Cette nomination prend la forme d’une décision du Président de la République, dispensée de tout contreseing en vertu de l’article 19 de la Constitution. Un tel acte échappe à la compétence du juge administratif[1] et à celle du Conseil lui-même, qui ne paraît pas pouvoir être en mesure de démettre le président qui serait ainsi nommé[2].
La nomination du président du Conseil constitutionnel échappe en outre à la procédure de confirmation par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui ne s’applique qu’à la seule nomination des membresdu Conseil, en application du 1er alinéa de l’article 56. C’est ainsi qu’il a été procédé pour la nomination de Laurent FABIUS, premier président du Conseil constitutionnel nommé après l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure des nominations par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : François HOLLANDE a pris deux décisions, formellement distinctes, en date du 19 février 2016, la nomination de Laurent FABIUS comme président s’effectuant expressément « en remplacement de M. Jean-Louis DEBRÉ.
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Aux termes du 2ème alinéa de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : « Le président du Conseil constitutionnel est nommé par décision du Président de la République. Il est choisi parmi les membres du Conseil, nommés ou de droit. »
Aucune disposition de la Constitution ni de la loi organique ne précise la durée des fonctions du président du Conseil constitutionnel : cette dernière a donc toujours coïncidé avec celle du mandat du membre nommé, sauf dans le cas de Daniel MEYER qui, nommé membre et président du Conseil le 21 février 1983, en a démissionné le 18 février 1986 – et a été remplacé par Robert BADINTER - tout en demeurant membre de l’institution jusqu’à la fin de son mandat le 25 février 1992.
Dans l’hypothèse de la nomination comme président du Conseil constitutionnel d’un membre de droit et à vie, la durée des fonctions présidentielle pourrait théoriquement suivre celle du mandat de membre de l’intéressé… ce qui ne serait pas sans soulever de légitimes objections.
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Il résulte de ce qui précède que le Président de la République est investi du pouvoir discrétionnaire de nommer le président du Conseil constitutionnel parmi les membres de l’institution, et qu’il peut l’exercer à tout moment, pour autant que les circonstances dans lesquelles il a exercé son choix ont évolué.
Ainsi, le Président de la République doit pouvoir procéder à la nomination du président du Conseil constitutionnel :
a) à l’occasion de toute modification de la composition du Conseil :
- renouvellement triennal ;
- nomination d’un membre en cours de mandat, en cas de vacance pour cause de décès, de démission volontaire ou de démission d’office ;
- accession d’un nouveau membre de droit, précédemment Président de la République.
b) à l’occasion d’un changement de Président de la République, dès lors que l’article 56 de la Constitution confère au Chef de l’État un pouvoir qui n’est en rien conditionné par l’usage qu’en a pu faire son prédécesseur.
En revanche, le principe constitutionnel de continuité des pouvoirs publics, dont le Président de la République est le garant aux termes de l’article 5 de la Constitution, celui la « garantie des droits » et de la séparation des pouvoirs » posés à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen paraissent exclure que le Chef de l’État exerce son pouvoir de nomination de manière arbitraire en dehors des deux hypothèses précitées. De même, la personne exerçant provisoirement les fonctions de président de la République en vertu de l’article 7 de la Constitution ne devrait pas pouvoir procéder à une telle nomination, eu égard là encore au principe de continuité de l’action des pouvoirs publics et alors que le Conseil constitutionnel est notamment chargé de constater la l’empêchement du Président de la République.
Il résulte donc de ce qui précède que le Président de la République peut décider de nommer président du Conseil constitutionnel tout membre du Conseil, soit à l’occasion de tout changement dans la composition de l’institution, soit à celle de sa propre entrée en fonctions.
[1] Il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de la décision par laquelle le Président de la République nomme, en application des dispositions de l'art. 56 de la Constitution, un membre du Conseil constitutionnel (CE, Ass., 9 avril 1999, Mme BA, n° 195616).
[2] Un tel cas ne parait pas relever de la compromission de « l’indépendance » et de la « dignité » des fonctions envisagée à l’art. 1er du décret n° 59-1292 du 13 nov. 1959 sur les obligations des membres du Conseil constitutionnel, que le Conseil peut être appelé à sanctionner par la démission d’office du membre concerné en application de l’art. 7 dudit décret et de l’art. 10 de l’ord. n° 58-1067 du 7 nov. 1958 portant loi organique.
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